Le parc de Contades à Strasbourg

Parmi les sujets qui, parfois, divisent les Strasbourgeois, il en est un déjà bien ancien : allons-nous au Contades ou aux Contades pour nous promener ? Nous avons déjà évoqué ensemble ce petit poumon vert de la ville, ancêtre de l’Orangerie et môle de défense pendant le siège de 1870. Depuis notre nouvelle maison, il était facile d’aller y respirer avec les enfants, puis les petits-enfants. Je crois même me souvenir que Jeanne y a fait ses premiers pas vers 1892…

Antoine Wendling

Pour celles et ceux qui ne me connaissent pas encore,
je suis Antoine Wendling, architecte strasbourgeois né en 1828.
Je raconte dans ces pages quelques souvenirs de ma vie professionnelle ou familiale dans la capitale alsacienne que j’ai tant aimée.
En suivant ces liens, vous pouvez mieux nous connaître, moi et ma petite famille.

Avant le Contades, le Schiessrain

Ne perdons de vue qu’avant 1870, la ville était enserrée dans ses remparts. Comme on le voit sur le plan-relief, elle n’allait pas plus loin que le canal des Faux-Remparts au Nord-Est. Au-delà, on distingue le Zimmerhof des arquebusiers, des ouvrages de défense, et puis la campagne ! Et sur la rive ouest de l’Aar, ce vaste espace planté d’arbres, c’est la promenade voulue par le Maréchal de Contades.

On l’appelait jusqu’alors Schiessrain, “champ de tir”. C’est à cet endroit que s’entrainaient au tir à l’arbalète ou à l’arquebuse les membres des différentes corporations de la ville. Ils y organisaient des compétitions à l’ombre d’un légendaire tilleul , qui fut abattu en 1793.

Autour de ce champ de tir, il n’y avait guère qu’une auberge et des jardins appartenant à des particuliers.

Le Maréchal de Contades était commandant militaire de l’Alsace de 1762 à 1788. Nous vénérons sa mémoire depuis que son cuisinier, Jean-Pierre Clause, eut l’idée d’enfermer dans une croûte ronde, chemisée d’une farce finement épicée, un lobe de foie gras d’oie entier clouté de truffes. A vrai dire, je ne sais pas trop si c’est à cause de lui, mais je n’imaginerais plus un Noël sans un foie gras fait maison…

Bref, le bon maréchal commanda la plantation de rangées de tilleuls dans ce grand ensemble, créant une belle promenade ombragée, sans doute appréciée des officiers à cheval de la garnison.

En 1793, dans la crainte des invasions étrangères, tous les arbres à l’extérieur des fortifications furent rasés. Heureusement, un réaménagement eut lieu dès 1799, donnant naissance à la promenade que j’ai connue dans ma jeunesse.

Le Vauxhall avorté

Projet de Vauxhall au Contades, par Boudhors, en 1768
Projet de Vauxhall au Contades, par Boudhors, en 1768

En 1768, il fut question d’un aménagement beaucoup plus conséquent, autour de l’installation de ce qu’on appelait alors un Vauxhall. C’était la mode de ces lieux de divertissement, mêlant salle de bal, casino, magasins de frivolités, cabinets particuliers et salons de lecture. La chose venait d’Angleterre, mais il y en eut à Paris ou à Marseille. Tout le parc aurait été réaménagé autour de cette construction dont le projet fut imaginé par Boudhors, l’architecte du futur pavillon Joséphine. Comme architecte, je ne peux pas m’empêcher de regretter un peu que cette folie délicate et somptueuse ne soit finalement pas sortie de terre !

Coupe du projet de Vauxhall de Boudhors

Le jardin Lips au Contades

Jeune homme, j’appréciais surtout le Jardin Lips, entre le Contades et les rives de l’Aar. Sur le plan-relief, on distingue le pavillon à l’italienne qui en constituait l’épicentre. C’était un endroit un peu hors du temps, charmant, avec de petites attractions comme un chemin de fer circulaire, des “fabriques” de toutes sortes, une fosse aux ours, des volières… Bien souvent, Adélaïde et moi, jeunes fiancés, faisions la queue pour espérer y trouver de la place, tellement on s’y pressait. A l’intérieur du bâtiment se trouvait un petit théâtre et une salle de banquet. Certains jours, on pouvait faire une ascension en ballon ou profiter le soir d’un feu d’artifice. Les jardins Lips et Kammerer étaient pour nous des lieux délicieux. J’en garde un souvenir doux et ému.

Le jardin Kammerer au Contades

Les constructions au Nord-Est, sur le plan relief, c’est le jardin Kammerer, un autre de ces multiples “jardins” qui agrémentaient les alentours de la ville. Un peu moins exubérant que le jardin Lips, il permettait aussi de se restaurer au sein d’une rafraichissante verdure, agrémentée d’animations diverses et d’un ravissant “temple de l’amour” que vous connaissez encore. Il a été transféré depuis à l’Orangerie… On l’aperçoit sur la gravure ci-dessus, de même qu’une passerelle qui vous dit peut-être quelque chose ? Elle permet toujours de rejoindre l’île Sainte-Hélène.

Le Contades de la Neustadt

Le parc de Contades de mes vieux jours, progressivement gagné par l’urbanisation allemande, a bien changé. Un peu amputé au Sud, il est devenu moins champêtre, moins bucolique. Les jardins Lips et Kammerer ont rapidement disparu, remplacés par des parcelles à bâtir. Quelques villas ont agrémenté le pourtour du nouveau parc, dont les allées, redessinées, tracent le grand huit que vous connaissez encore. Il y avait, à gauche, la villa Burger, riche brasseur strasbourgeois, presque un hôtel particulier d’un style soit-disant Louis XIII assez présomptueux… Et puis la villa Krieger, médecin fortuné qui avait choisi le style Renaissance allemande (tous les goûts sont dans la nature…) Toutes deux avaient des allures de résidences de villégiature et donnaient à la fois sur le Contades et sur le Deutsche Strasse, devenue Kaiser-Friedrich-Strasse (l’actuelle avenue de la Paix). Puis le restaurant “Aux Contades”, qui n’avait aucun cachet, mais était bien sympathique.

De l’autre côté, donc à l’Est, se trouvait la villa Siegfried, construction assez réussie, un peu dans le style de la villa Greiner. Et au-delà de l’ancien jardin Lips, seul vestige de ces constructions ambitieuses et pittoresques à être parvenu jusqu’à vous, la villa Osterloff, construite un peu plus tard, dans un mélange de style médiéval et renaissance.

Votre parc du Contades

Au risque de passer encore une fois pour le vieux scrogneugneu radoteur, les nouvelles résidences qui remplacent la plupart de ces folies architecturales sont quand même moins en accord avec le parc et son histoire. Mais je ne nie pas la qualité des constructions ni leur utilité. De même, on ne peut que se réjouir de la construction de la Synagogue de la Paix sur une partie du parc, en remplacement de l’ancienne Synagogue détruite par les nazis. Mais la façade qui donne sur le Contades…

De façon un peu ironique, le seul élément ancien à habiter encore le parc est le kiosque à musique qui trône en son centre. Ironique parce qu’il ne vient pas de là, mais de la place Broglie ! D’abord érigé face au théâtre, il a migré au Contades en 1900 pour laisser sa place à une horrible fontaine surmontée d’une statue du Vater Rhein dont le curieux déhanché impudique choquait Marie !

Finalement, le Contades conserve son caractère de parc à la fois privé et public, véritable jardin de toutes les résidences qui le bordent, comme de la Synagogue, ou encore de la maison de retraite Béthesda, mais aussi promenade favorite de bien des Strasbourgeois petits ou grands.

Plan de la promenade à établir à Strasbourg sur le terrain du ci-devant Contades…Plan, de P. B. Schmid et P. J. Dannbach
Plan de la promenade à établir à Strasbourg sur le terrain du ci-devant Contades…Plan, de P. B. Schmid et P. J. Dannbach

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Comme une plume

Antoine Wendling, biographe rédacteur

https://www.archi-wiki.org/Adresse:Parc_de_Contades_(Strasbourg)

Strasbourg, panorama monumental – G. Foessel, J.-P. Klein, J.-D. Ludmann et J.-L. Faure – Mémoire d’Alsace

11 réponses à “Le parc de Contades à Strasbourg”

  1. […] vers le Nord-Est, beaucoup plus vaste, a pour ambition d’englober le parc de Contades et celui de l’Orangerie. Les militaires interdisent la destruction de la Citadelle à […]

  2. […] rempart, on installa le champ de tir des arbalétriers, avant qu’ils ne déménagent près du parc de Contades. Et comme les charpentiers de la Ville étaient à leur tour chassés par la construction de […]

  3. Avatar de MARK Simone
    MARK Simone

    Bonjour,
    Merci pour cet article très intéressant. J’étais à l’école primaire de fille du Contades dans les années 1950, des bâtiments préfabriqués. Vous n’en parlez pas… J’aurais aimé une photo si vous en trouvez une…

  4. […] du canal des Faux-Remparts. Ensuite, c’était la campagne, les jardins, les maraichers, le parc de Contades (pourquoi dites-vous « des Contades », alors qu’il doit son nom à son initiateur, le […]

  5. […] charmant. Une trentaine d’année plus tard, on adopta le même principe pour la promenade de Contades un peu plus […]

  6. […] Si nous sommes en 1860, nous tombons sur le ravissant kiosque à musique qui est désormais aux Contades. Après 1902, nous nous retrouvons nez à nez (si je puis dire) avec le postérieur rebondi et […]

  7. […] d’anciennes prostituées, initialement installé au Waseneck (entre la porte des Juifs et le Contades), déplacé à la Krutenau pour des raisons militaires. L’édifice ressemblait très fort à […]

  8. […] bâbord en parcourant les perles du quai Rouget de l’Isle. Et sur tribord en nous promenant aux Contades. Entre Ill et Aar, elle entre, tel un majestueux paquebot, au cœur de la Neustadt. Mais à mon […]

  9. […] Sainte-Hélène. L’Orangerie, notre beau parc, marquait la limite de la Neustadt. Comme le Contades, elle aimanta la construction de demeures cossues, plus ou moins réussies, que je vous invite à […]

  10. […] y voit beaucoup d’endroits que nous avons déjà évoqués ensemble : le Schiessrain du futur Contades, tout à gauche, la porte des Pêcheurs, plus haut, Saint-Pierre-le-Jeune, le Temple Neuf… […]

  11. […] communauté juive obtint de la ville un nouveau terrain à la lisière du parc des Contades et y consacra la synagogue de la Paix en […]

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